La musique à l’intérieur du petit appartement était assourdissante. Un verre vide à la main, Ana se fraya un passage parmi les gens et arriva au balcon. Respirant une bouffée d’air frais, elle se dirigea vers le petit escalier de secours et grimpa jusqu’au toit. On aurait pu dure que de là, Ana avait une super vue mais ça aurait été mentir car ce n’était pas du tout le cas. Au bas, on voyait la rue, apparemment déserte, où était seulement garées quelques voitures. Autour, les autres gratte-ciels et immeubles dominaient le toit de celui sur lequel était Ana, elle ne pouvait donc qu’observer les façades laides et quelquefois distinguer, par le biais d’une quelconque fenêtre non obstrué par les volets, l’intérieur des appartements désordonnés. Elle s’avança un peu vers le rebord du toit. De là, elle avait une vue plongeante sur les poubelles en dessous. Elle s’était assez rapprochée du bord pour voir en face, un couple qui semblait sur le point de s’entretuer. L’espace d’un instant elle s’imagina l’homme tué sa femme avec un couteau de cuisine et balancer son corps par la fenêtre directement dans la poubelle mais elle secoua la tête chassant cette idée stupide. La musique qui lui parvenait maintenant de manière étouffer lui donnait envie de danser, de tourbillonner, elle se sentait tellement bien en cet instant présent. Des bruits de pas lui firent tourner la tête, la jeune fille observa du coin de l’œil, la silhouette qui s’avançait vers elle. C’était un homme, de son âge environ, elle se souvenait avoir dansé et parlé rapidement avec lui un peu plus tôt dans la soirée. D’ailleurs, il lui semblait bien que c’était chez lui que se déroulait la fête, mais elle n’en était pas certaine. Il s’était arrêté en la voyant et semblait sur le point de partir mais Ana s’approcha de lui et parla.

« C’est merveilleux ici n’est-ce pas ?»

Il la dévisagea bizarrement, apparemment il ne devait pas trouver l’endroit merveilleux lui, mais Ana n’y prêta pas attention. Elle s’avança à nouveau vers le rebord du toi, en tournant sur elle-même. L’homme fronça les sourcils et la suivit.

« Merveilleux… C’est une simple question de point de vu. »
« Si, c’est merveilleux. Même si c’est très différent de chez moi. Oui… Chez moi on n’a pas une vue comme ça. Elle est plus belle. Enfin d’après la majorité des gens. Personnellement, la vue sur Paris a tendance à me lasser. Tout est toujours tellement pareil là-bas. Alors qu’ici tout me semble si… nouveau. Je suppose que c’est normal. J’ai passé toute mon enfance à Paris, dans le même quartier, à fréquenter les mêmes gens égoïstes et bourrés de fric. Ils en ont tellement qu’ils ne se rendent même plus compte des choses qui comptent vraiment, les plus importantes dans une vie. Ils sont tellement enfermés dans leur petit esprit étriqué. Heureusement que je n’ai plus à les supporter tous les jours… Le pire dans tout ça, c’est sûrement que je ne me rends compte de ça que maintenant ; J’étais bien là-bas et la vie que j’y menais me plaisait. »

Ana ne prêtait plus attention à l’autre. Pourtant, elle n’avait pas besoin de vérifier pour savoir qu’il n’avait pas bougé. Il était toujours à la même place, elle le sentait. Enfin, il devait quand même bien la prendre pour une folle. Mais ce qu’il pensait, elle s’en moquait. Elle parlait plus pour elle que pour lui de toute manière.

« C’était surtout Angie qui voulait venir ici. Enfin je crois… A la base c’était surtout une idée en l’air, un an à passer à New-York sans rien faire réellement, c’est le rêve de n’importe qui ! Surtout quand ce n’importe qui ne sait absolument pas quoi faire de sa vie. Mais moi ça m’était sortit de la tête. Je devais déjà avoir mon bac et ça c’était déjà pas gagné, alors penser à après ce n’était même pas envisageable. … Quand j’ai vu mon nom sur le panneau d’affichage, j’ai trouvé ça tellement incroyable, irréelle. J’étais tellement heureuse. Et c’est après qu’Angie m’a rappelé pour New-York et on est partit et maintenant je suis là. »

Ana laissa échapper un petit rire. Elle ne savait pas réellement pourquoi elle riait d’ailleurs. Enfin elle supposait que ça n’avait pas grande importance.

« Je devrais éviter de trop boire. Je parle trop. La dernière fois, j’ai même couché avec le meilleur ami de ma sœur. C’était bien. Enfin, non ce n’était pas bien de faire ça mais elle ne le sait pas, et elle ne le saura jamais alors ça ne fait rien. Je suis certaine qu’elle m’en voudrait si elle l’apprenait en plus. C’est totalement ridicule. »
« Sûrement. »

Le volume de la musique un peu plus bas semblait avoir été monté et Ana se sentit entraîné par ce qui se jouait. Elle jeta un coup d’œil à l’inconnu qui n’avait toujours pas bougé et qui semblait vraiment absent. Elle soupira et montra son verre vide.

« J’ai envie de danser et j’ai soif ; Enfin c’était un plaisir euh… de discuter. A plus tard peut-être. »

Sans attendre qu’il réagisse car elle savait que de toute manière il ne réagirait pas, elle emprunta le chemin inverse de quand elle était montée et elle se retrouva à nouveau dans le petit appartement bondé.